Elle n’aurait rien dit, elle n’aurait rien regardé. Face à l’homme assis dans le couloir sombre, sous ses paupières elle est enfermée. Au travers elle voit transparaître la lumière brouillée du ciel. Elle sait qu’il la regarde, qu’il voit tout. Elle le sait les yeux fermés comme je le sais moi, moi qui regarde. Il s’agit d’une certitude.
L’autre jour que je faisais du rangement dans ma bibliothèque, je suis tombée sur cette nouvelle, coincée entre deux ouvrages plus volumineux. Je n’en ai aucun souvenir, et j’ai été assez surprise de le trouver là, d’autant qu’à part les nouvelles éditées à une époque par le magazine ELLE (ils ne le font plus, si ?) je n’ai guère l’habitude des nouvelles indépendantes, hors recueil (il faut dire que ça fait peu à lire, à vu de nez celle-ci fait environ 3500 mots, ce qui n’est pas beaucoup). Poussée par la curiosité et ayant un petit quart d’heure devant moi, je me suis lancée dans cette lecture.
C’est donc l’histoire d’un homme assis dans un couloir, on ne sait pas quand, on ne sait pas trop où, qui regarde une femme, allongée au soleil, dans un jardin, à quelques mètres de lui. Elle ne le voit pas mais sait qu’il la regarde, et fait tout pour l’exciter. Eux-mêmes sont regardés par la narratrice. Ils vont faire l’amour…
Une histoire bizarre, bizarrement écrite. Ou plutôt, écrite à la Duras, ce qui est somme toute la même chose. On ne sait pas pourquoi, la narration passe parfois subitement de l’indicatif au conditionnel. Fantasme, emballement de l’imagination ? Possible, voire probable, car le texte est tellement silencieux qu’il faut en combler les vides. Il n’y a pas non plus vraiment d’histoire, juste une exploration des possibles du regard, comme un thème obsédant : les personnages présents se regardent ou se laissent regarder les uns les autres. Pulsion scopique d’un côté, exhibitionnisme de l’autre, voyeurisme de la narratrice. A moins donc qu’elle ait inventé ce qui finit par se résoudre crûment, violemment, bestialement, à la limite ténue entre l’érotisme et la pornographie, presque obscène.
3500 mots qui m’ont un peu laissée perplexe, j’avoue… je n’ai ni aimé ni pas aimé. C’est entre les deux, dans un espace indistinct où se place sans doute l’incompréhension…
L’Homme assis dans le couloir
Marguerite DURAS
Editions de Minuit, 1980
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